Histoire du médecin dont un patient avait été empoisonné sur l’ordre de William Randolph Hearst, 59

 

L’anecdote qu’a choisi de représenter Hutting lui a été racontée par son principal protagoniste, François-Pierre LaJoie, de l’Université Laval, au Québec. En mille neuf cent quarante, alors qu’il venait juste de passer son doctorat, François-Pierre LaJoie reçut la visite d’un homme qui souffrait de brûlures d’estomac et qui lui aurait dit en substance : « c’est ce salaud de Hearst qui m’a empoisonné parce que je n’ai pas voulu faire son sale boulot. » ; sommé de s’expliquer davantage, il aurait alors déclaré que Hearst lui avait promis quinze mille dollars s’il le débarrassait d’Orson Welles. LaJoie ne put se retenir de répéter la chose le soir même à son club. Le lendemain matin, convoqué d’urgence par le Conseil de l’Ordre, il fut accusé d’avoir violé le secret professionnel en répétant publiquement une confidence qu’il avait reçue dans le cadre d’une consultation médicale. Reconnu coupable, il fut immédiatement radié. Il déclara quelques jours après avoir forgé de toutes pièces cette accusation, mais il était évidemment trop tard et il dut recommencer toute sa carrière dans la recherche, devenant un des meilleurs spécialistes des problèmes circulatoires et respiratoires liés à la plongée sous-marine. Ce dernier point seul permet d’expliquer la présence de Fujiwara Gomoku dans le tableau : LaJoie, en effet, fut amené à faire des recherches sur ces tribus côtières du sud du Japon que l’on nomme les Ama, et dont l’existence est attestée depuis plus de deux mille ans puisque l’une des plus anciennes références à ce peuple se trouve dans le Gishi-Wajin-Den, présumé remonter au IIIe siècle avant Jésus-Christ. Les femmes ama sont les meilleures plongeuses sous-marines du monde : elles sont capables, quatre à cinq mois par an, de plonger jusqu’ à cent cinquante fois par jour, à des profondeurs qui peuvent dépasser vingt-cinq mètres. Elles plongent nues, protégées, depuis seulement un siècle, par des lunettes qui sont pressurisées grâce à deux petits ballonnets latéraux, et elles peuvent rester chaque fois deux minutes sous l’eau, récoltant diverses sortes d’algues, en particulier l’agar-agar, des holothuries, des oursins, des concombres de mer, des coquillages, des huîtres perlières et des abalones dont la coquille était jadis très prisée. Or, la famille Gomoku descend d’un de ces villages ama, et d’ailleurs les montres de plongée sont une des spécialités de la firme.